Créer une scène de fiction captivante : définition, structure et techniques pour accrocher le lecteur


Quand j’ai commencé à écrire de la fiction (de la fantasy en l’occurrence mais ce qui va suivre est vrai pour tous les types de romans), j’ai d’abord cru que ce qui comptait, c’était le chapitre.
Mais j’ai appris, à force de lire, d’écrire et de réécrire, que la véritable unité de tension… c’est la scène.

C’est dans la scène que tout se joue : les conflits, les révélations, les choix, les émotions.

Alors aujourd’hui, je te propose un guide pratique :
👉 Qu’est-ce qu’une scène en narration ?
👉 Comment la structurer pour garder le lecteur accroché ?
👉 Comment enchaîner sur la suivante avec un vrai effet “page-turner” ?


1. Une scène, c’est quoi exactement ?

Une scène, ce n’est pas juste un bout de texte qui remplit un chapitre. C’est une unité dramatique.
Elle commence quand quelque chose change et se termine quand le personnage a fait un choix, subi une conséquence ou découvert un élément nouveau.

🎯 Pour qu’elle fonctionne, une scène doit :

  • avoir un objectif clair pour le personnage
  • présenter un obstacle ou une tension
  • se conclure par un changement de situation

Sans conflit ou tension → ce n’est pas une scène, c’est de la description ou de la transition.


2. Structure simple d’une scène forte

Voici une structure simple mais efficace :

a. But / intention

Le personnage veut quelque chose (obtenir, fuir, comprendre, convaincre…)

b. Obstacle

Quelque chose (ou quelqu’un) s’oppose à lui : conflit externe ou interne

c. Tension croissante

Le conflit s’intensifie, une décision s’impose

d. Résolution temporaire

Une mini-conclusion : succès, échec, ou compromis

e. Nouveau déséquilibre

Un nouvel élément vient relancer l’histoire


🔗 3. Comment relier les scènes : l’effet « crochet narratif »

Tu veux que ton lecteur dise : “Encore une…”

Pour ça, termine ta scène par :

  • une question laissée en suspens
    “Et si elle l’avait vu utiliser sa magie ?”
  • une décision non révélée
    “Elle savait ce qu’elle allait faire. Mais pas encore à quel prix.”
  • une révélation partielle
    “Ce n’était pas une lettre. C’était un ordre de mission.”
  • une menace invisible
    “Dans le coin de la pièce, quelque chose respirait.”

🎣 C’est ce qu’on appelle un hook : un hameçon narratif.


✍️ 4. Exemple commenté – à partir de mon roman

Voici un passage retravaillé récemment dans le premier tome de ma trilogie Erin Fane – Fille du serpent :

Résumé du passage :

Il s’agit du chapitre d’ouverture du roman. Erin lit tranquillement, essayant de se faire oublier, mais son cousin lui impose une promenade (incident déclencheur de la scène et source de tensions). Comprenant qu’elle risque une punition si elle refuse, elle finit par le suivre mais celui-ci lui réserve un vilaine surprise : il l’entraîne sur un lac gelé. La scène se termine sur une découverte terrifiante mais évidemment, mon lecteur ne sait pas encore ce que c’est, je t’explique pourquoi juste après.

Premier-jet (j’ai forcé le trait pour l’exemple ^^) :

“Je me tenais sur le rebord d’une fenêtre, un livre entre les mains. Mon cousin me proposa une promenade. Je refusai, mais il insista. Finalement, je décidai de le suivre.”

➡️ Trop plat. Pas d’objectif, pas d’obstacle clair, pas de tension.

Après :

 » Je me tenais sur le rebord d’une fenêtre, derrière de lourds rideaux, ne dérangeant personne que les pages du livre que j’avais extrait de la bibliothèque de ma tante. Quand mon cousin vint me tirer de ma retraite pour me proposer une promenade. En jetant un œil par la fenêtre, je vis le ciel gris et menaçant, typique d’un milieu d’hiver dans le nord de l’Hexford. Je n’avais nulle envie de sortir par ce temps.
[…]

Mon cousin, voyant que je n’étais pas enchantée à l’idée de l’accompagner dehors, insista. Il aimait me forcer à faire des choses que je ne voulais pas faire pour ensuite m’accuser de désobéissance. Si je ne me pliais pas à ses demandes, il se plaignait de ma conduite, et j’étais battue pour mon obstination. Si je cédais, il me mettait systématiquement dans des situations périlleuses, où je pouvais ensuite être battue pour ma témérité.

Obstination et témérité : deux qualificatifs que je ne pouvais devoir qu’à ma nature de sorcière.

Il avait deux ans de plus que moi et prenait un malin plaisir à me le rappeler. Il employait ses talents à me montrer à sa mère sous mon pire jour. Quoi que je fisse en sa présence, j’étais toujours perdante.

— On marche, aujourd’hui. Pas d’excuses.

J’hésitai à protester, mais j’avais appris ma leçon, je ne pouvais que subir. Je décidai donc, de le suivre. Je rangeai soigneusement mon livre, mis mon manteau, et le suivis dans la froidure hivernale, en silence. »

➡️ On comprend l’enjeu (elle veut éviter la promenade), l’obstacle (le cousin impose), la tension (obligation / menace voilée), la décision (elle obéit à contrecœur). J’ai également ajouté des éléments de contexte (son statut de sorcière la transforme en paria au sein de sa propre famille, son cousin s’arrange pour la faire punir…)

Après une promenade sur un sentier qu’Erin connait mal, la scène se termine par l’accroche suivante :

A cet endroit, la forêt débouchait sur un lac, dont les eaux étaient complètement gelées. C’est alors que je devinais, sous la neige qui entourait l’étendue d’eau, des buissons épineux. S’il y avait des ronces autour de ce lac, c’était qu’il avait été contaminé par la magie des dragons. Les battements de mon cœur s’accélérèrent. Je voulu aussitôt faire demi-tour mais il ne me laissa pas cette liberté. Il me tira par la main à sa suite, sur la glace gémissante. Après quelques pas hésitants sur la surface glissante, il tendit le doigt vers le haut, en direction de l’autre bout du lac. Là, j’eus une vision d’horreur. Quelque-chose se balançait mollement dans le vent glacé.


🎯 5. Questions à te poser pour chaque scène

Avant d’écrire ou en relisant ton brouillon, demande-toi :

  • Que veut mon personnage, là, maintenant ?
  • Qu’est-ce qui l’empêche d’y parvenir ?
  • Quelle émotion traverse la scène ?
  • Est-ce que la fin de la scène donne envie de lire la suivante ?
  • Est-ce que cette scène fait avancer l’histoire ou le personnage ?

Si la réponse est “non” → réécris, resserre, réoriente.


🧪 En résumé

Une bonne scène, c’est :

  • Un but clair
  • Un conflit réel
  • Une tension qui monte
  • Une conséquence
  • Un rebond

Et si tu enchaînes chaque scène avec un crochet bien placé, ton lecteur n’aura pas envie de poser ton roman.


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